Le 5 août 1983, alors qu’il faisait une halte d’une nuit avec sa famille sur la route des vacances, le père de Jean-Michel André est assassiné avec six autres personnes dans un hôtel d’Avignon. L’affaire n’a jamais été entièrement élucidée, mais l’enquête a néanmoins fait apparaître un mobile : une tentative de hold-up menée par des malfaiteurs « sans envergure » qui a dégénéré en carnage.

Âgé de 7 ans et dormant cette nuit-là avec O. dans une chambre attenante à celle de son père, Jean-Michel André, sous le choc, perd la mémoire. Trente ans plus tard, il entame des recherches, ouvre de nombreuses portes et collecte des documents. La vérité se dérobe, l’auteur déplace alors son regard et disperse l’horreur pour conjurer le traumatisme. 

Il revisite et photographie les paysages qu’il a pu – ou qu’il aurait pu – traverser avec son père. Il se rend en Avignon sur les lieux du drame, dans la région d’Arles, où a été retrouvé l’un des inculpés, et en Corse, la destination de vacances d’août 1983. Il retourne en Allemagne, où son père exerçait pour les Affaires étrangères, et au Sénégal, où il a passé sa petite enfance avec ses parents. Il mêle à ses photographies éléments d’enquête, archives de presse et objets familiaux pour composer un recueil questionnant la mémoire, le deuil et la réparation. 

L’approche de Jean-Michel André se situe à l’encontre du pathos et du spectaculaire, elle interroge les limites de l’image : que peut-on montrer, comment, pourquoi, pour qui ? Comment rendre tangible des notions abstraites et partager l’intime pour toucher à une forme d’universel ? Le médium photographique se transforme en un instrument réparateur, l’oeuvre prend forme et devient l’unique moteur. 

L’exposition, conçue comme un essai visuel, relève autant de la reconstitution que de la reconstruction. Par sa poésie, elle nous transporte dans une temporalité anachronique, mêlant l’avant et l’après de cette nuit dans la chambre 207. Elle met en lumière une quête de vérité qui, peu à peu, se transforme en délivrance.